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coût de production du travail sera représenté : 1° par la valeur des subsistances que doit consommer l’ouvrier pour se maintenir en état de produire ; 2° par la prime d’amortissement nécessaire pour remplacer ce travailleur quand il sera hors de service, c’est-à-dire pour élever un enfant d’ouvrier jusqu’à l’âge adulte.

Voilà comment le salaire doit nécessairement se réduire au minimum strictement nécessaire pour permettre à un travailleur de vivre, lui et sa famille, ou, d’une façon plus générale, pour permettre à la population ouvrière de s’entretenir et de se perpétuer.

Telle est la théorie généralement connue sous le nom de Loi d’airain. Ce nom sonore, trouvé par Lassalle, a longtemps fait fortune ; pendant trente ans il a retenti comme le refrain d’une Marseillaise socialiste et a servi à attiser les haines sociales en démontrant aux ouvriers que l’organisation économique ne leur laissait aucune chance d’amélioration de leur sort. Mais bien que ce soit l’école collectiviste qui ait baptisé cette théorie et qui lui ait donné un grand retentissement, c’est l’école classique qui l’a formulée tout d’abord. C’est Turgot qui, le premier, a déclaré « qu’en tout genre de travail le salaire de l’ouvrier devait s’abaisser à un niveau déterminé uniquement par les nécessités de l’existence ». Et J.-B. Say et Ricardo se sont exprimés dans des termes à peu près identiques on le leur a assez reproché depuis !

Cette théorie est abandonnée aujourd’hui. Non seulement l’école libérale, du jour où elle s’est aperçue des conséquences qu’on en tirait, l’a énergiquement désavouée, mais les collectivistes eux-mêmes, notamment Liebknecht au congrès de Halle en 1890, l’ont formellement reniée[1].

En effet, si on prend la formule au pied de la lettre, en en-

  1. Néanmoins les collectivistes persistent à affirmer que les salaires sont réduits à un minimum, mais la raison qu’ils en donnent maintenant est différente et plus forte. C’est, disent-ils, l’existence permanente d’un contingent d’ouvriers sans travail, prêts à se vendre pour n’importe quel prix, qui pèse sur le marché du travail et empêche toute hausse durable des salaires. Ceci nous ramène donc à la loi de l’offre et de la demande.