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déjà, par Stuart Mill quand il a dit qu’il n’y a pas d’exemple qu’une classe quelconque, en possession du pouvoir, se soit jamais servie de ce pouvoir dans l’intérêt des autres classes de la société. Il serait fort à craindre que le patronage des classes dirigeantes, si jamais on se fiait uniquement à elles du soin de résoudre la question sociale, ne fit que confirmer une fois de plus le fait douloureux signalé par Stuart Mill[1].

§ 2. — L’école protestante n’est pas plus sympathique à l’ordre économique actuel. Elle croit qu’il devra se transformer radicalement pour ressembler à ce « Royaume de Dieu » dont tous les fidèles doivent attendre et préparer, dès cette terre, l’avènement.

Elle est généralement moins conservatrice que l’école catholique en ce qui concerne la propriété, le salariat et le patronage des classes dirigeantes. Elle ne cherche pas non plus la solution dans l’association corporative, que l’expérience du passé ne lui parait guère recommander, mais dans une autre forme de l’association dite coopérative. Elle estime que la coopération est l’antithèse indiquée de la compétition qu’elle veut supprimer nous verrons plus loin, en effet, que sous toutes ses formes, qui sont infiniment variées production, crédit, consommation la coopération tend à remplacer l’antagonisme des intérêts (entre le patron et le salarié, entre le créancier et le débiteur, entre le producteur et le consommateur) par la communauté des intérêts que par là, elle se montre éminemment propre à faire l’éducation des individus et des classes au point de vue de la solidarité et à leur ap-

  1. L’école de Le Play, dont nous avons déjà parlé à propos de la méthode, se rapproche de l’école catholique par la part prédominante qu’elle fait à l’élément moral et religieux ; par l’importance extrême qu’elle attache à l’organisation et à la stabilité de la famille (famille-souche), à la conservation du patrimoine et à la liberté de tester par une certaine méfiance à l’égard de l’évolution du progrès naturel et une vive hostilité contre « les faux dogmes » de la Révolution française. Cependant elle se sépare de l’école catholique en ce qu’elle repousse tout caractère confessionnel : la preuve c’est que son fondateur citait comme modèle l’Angleterre protestante et posait comme loi suprême le Décalogue, qui est une loi d’origine juive. Elle repousse presque aussi énergiquement que l’école Libérale l’intervention de l’État.