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La véhémence des critiques que l’école catholique dirige contre l’organisation actuelle lui a valu de la part des économistes libéraux le nom de Socialisme catholique. Elle s’en défend cependant très vivement, et en effet, malgré certains points de vue qui lui sont communs, elle diffère de l’école socialiste toto orbe : d’abord, en ce qu’elle ne se propose nullement d’abolir les institutions fondamentales de l’ordre social actuel, propriété, hérédité, salariat, etc., mais bien plutôt de les restaurer ou de les consolider[1] ; ensuite, en ce qu’elle ne croit nullement à l’évolution ni au progrès indéfini de l’espèce humaine, et cherche beaucoup moins son idéal dans le futur que dans un retour à certaines institutions du passé, par exemple, à la vie rurale et surtout aux corporations professionnelles de patrons et d’ouvriers réunis. — Professant aussi peu de confiance dans le principe d’égalité que dans celui de liberté, elle compte rétablir la paix sociale par l’autorité sous une triple forme celle du père dans la famille, du patron dans l’atelier, de l’Église dans l’État, bien entendu sous la condition de devoirs réciproques de la part de ces « autorités sociales ».

Elle ne se montre pas hostile en général à l’intervention de l’État « qui est, après l’Église, le ministre de Dieu pour le bien »[2] et la réclame même formellement pour assurer aux classes ouvrières le repos dominical, la réglementation du travail dans de justes limites, etc. Cependant une fraction de l’école catholique se montre non moins opposée que l’école libérale elle-même à l’intervention de l’État. Et cette question a même provoqué des querelles très vives dans son sein.

L’objection la plus forte que l’on puisse adresser à cette doctrine, en écartant toute controverse qui porterait sur le terrain politique ou religieux, a été formulée, il y a longtemps

  1. Pour elle, par conséquent, le vice de l’ordre économique actuel ne doit pas être cherché dans la propriété individuelle, mais dans la libre concurrence. Toutefois, fidèle aux traditions de l’Église, elle conserve une vive antipathie pour l’intérêt de l’argent qu’elle flétrit du nom d’usure, usura vorax.
  2. Parole attribuée à Léon XIII mais qui est de l’apôtre Paul.