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interprétée en plusieurs sens[1] : — à chacun selon la peine qu’il aura prise, mesurée par le nombre d’heures de travail qu’il aura fournies[2], et avec ce correctif d’un minimum garanti à tous, même à ceux qui ne peuvent pas travailler.

Les collectivistes, dans leurs programmes et dans leurs romans, assurent que ce communisme partiel suffirait pour faire disparaître les vices de l’organisation sociale actuelle.

Elle ferait disparaître d’abord, disent-ils, les extrêmes inégalités, car celles-ci n’ont d’autre cause que l’accumulation des capitaux ou des terres entre les mains de certaines familles, capitaux qui font la boule de neige, par l’hérédité, par le prêt à intérêt, par le faire valoir, et constituent des monopoles permettant de s’enrichir par le travail d’autrui. Or du jour où nul ne pourrait gagner que par son travail personnel, les inégalités seraient très réduites[3].

Elle ferait disparaître l’oisiveté et le parasitisme, car du jour où personne ne pourrait posséder privativement de terre ni de capitaux, il est clair qu’il n’y aurait plus de place au soleil pour une classe de rentiers vivant de leurs placements ou de leurs fermages, et une fois ceux-ci coupés aux vivres, il faudrait bien qu’ils se missent à travailler.

  1. Par exemple « À chacun selon ses œuvres », comme dans l’école de Saint-Simon ou bien encore « À chacun selon le produit de son travail et la valeur de ce produit », ce qui correspond à peu près au système économique sous lequel nous vivons (Voy. ci-dessus, p. 380).
  2. « La quantité de travail a pour mesure sa durée dans le temps. Le travail qui forme la substance et la valeur des marchandises est du travail égal et indistinct, une dépense de la même force ». Édit. française du Capital de Karl Marx, p. 15. — Il est vrai que les volumes posthumes de K. Marx ont amené ses disciples à modifier cette théorie qui est devenue aujourd’hui à peu près inintelligible.
  3. Cependant le collectivisme ne supprime pas l’hérédité comme on le croit généralement. Il ne fait pas d’objections à ce que celui qui aura gagné quelque chose par son travail puisse le laisser à qui bon lui semblera et à ce que le bénéficiaire, par conséquent, puisse vivre sans travailler jusqu’à ce qu’il ait mangé tout ce qui lui a été légué.
    Cette concession pourrait étonner à première vue, si l’on ne savait que le collectivisme exclut du domaine de la propriété privée la terre et les capitaux, c’est-à-dire à peu près les seules richesses qui soient productives et perpétuelles, les seules pour lesquelles par conséquent l’hérédité puisse avoir de graves conséquences et n’y fait rentrer que les objets de consommation. Ainsi restreinte, l’hérédité n’a plus qu’une mince importance.