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les laisser sous te régime de la propriété individuelle, sauf à les mieux répartir[1].

Le collectivisme ne se donne pas comme un système d’organisation d’une société nouvelle fondé sur un principe de justice a priori. Il a la prétention de représenter l’ordre des choses auquel tendent les sociétés modernes poussées, bon gré mal gré, par les lois d’une évolution fatale. Dans toutes ces sociétés, disent ses docteurs, par suite du développement de la grande industrie, du grand commerce et de la grande propriété, la production individuelle est en train de disparaître pour faire place à la production collective. Autrefois, la propriété était individuelle, mais la production l’était aussi : il y avait harmonie entre le mode de production et le mode de répartition. Mais aujourd’hui, par suite du développement de la grande industrie, du grand commerce, de la grande propriété, la production individuelle disparaît chaque jour pour faire place à la production collective. Cependant la répartition continue à être fondée sur la propriété individuelle. Il y a donc une antinomie qui va grandissant au sein des sociétés modernes et qui entraînera la ruine du ré-

  1. Le collectivisme est de date assez récente. C’est Colins, en Belgique, qui paraît avoir employé le premier ce mot (1850), mais son collectivisme était surtout agraire. C’est Pecqueur (1838) et Vidal (1846), en France, qui ont posé les premiers la distinction entre les instruments de production et les objets de consommation qui constitue le trait caractéristique du système. C’est le Manifeste du parti communiste, par Marx et Engels en 1847, qui en a fait pour la première fois une doctrine de combat. Mais c’est Ferdinand Lassalle et surtout Karl Marx (dans son livre fameux le Capital, dont le vol. 1 a été publié en 1867 et deux autres après sa mort), qui lui ont donné sa forme critique en fournissant à ce système toutes les armes dont il se sert pour battre en brêche l’organisation actuelle de nos sociétés. C’est enfin César de Paepe, en Belgique (mort en 1891), qui a tracé le premier un plan général d’organisation collectiviste.
    Bien que le collectivisme soit souvent désigne sous le nom de « Marxisme » — du nom de son plus illustre théoricien, — tous les collectivistes ne sont pas marxistes. En France, en dehors de l’école marxiste proprement dite représentée par la Revue le Devenir Social, il y a une école collectiviste indépendante qui a pour organe la Revue socialiste, fondée par Benoît Malon et dirigée aujourd’hui par M. George Renard.
    Voir à la table alphabétique les nombreux passages, en dehors de ce chapitre, où nous parlons des théories collectivistes.