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core plus impossible. Qui donc sera chargé de déterminer la capacité et le mérite de chacun et la rémunération à laquelle il aurait droit ? — Sera-ce le gouvernement qui nommera chaque individu dans chaque genre de travail, absolument comme il nomme aujourd’hui les fonctionnaires et leur assigne un rang et un traitement proportionné à leur mérite présumé ? Ce gouvernement devra donc être un pape infaillible, comme l’était, en effet, « le Prêtre » dans le système de Saint-Simon, pour qu’on puisse songer à lui attribuer un aussi prodigieux pouvoir.

Le sentiment public est certainement moins choqué de voir la fortune distribuée comme aujourd’hui par le hasard de la naissance[1] qu’il ne le serait de la voir dispensée par la faveur et l’arbitraire d’un pontife quelconque. Et si on remplaçait le choix du Gouvernement par le suffrage des électeurs, on peut compter que ce ne serait pas précisément le régime des capacités qui serait réalisé. Et si finalement on se rabattait sur un système de concours et d’examens s’étendant à tous les genres de travaux et d’occupations, depuis les plus infimes jusqu’aux plus relevés, on créerait le pire des mandarinats.


IV

LE COLLECTIVISME.


Le collectivisme est un communisme mitigé. Il propose de mettre en commun seulement les instruments de production, c’est-à-dire la terre et les capitaux, et quant aux produits, de

  1. Et d’ailleurs, dans les pays où existe la liberté de tester, on ne saurait dire que la fortune est distribuée uniquement par le hasard de la naissance : elle l’est par la désignation du père de famille. Il peut choisir entre ses enfants celui qui lui parait le plus capable d’exercer « la fonction capitaliste ou propriétaire », et même, si aucun d’eux ne lui paraît digne de la remplir, désigner un étranger. Le cas sera rare, nous le voulons bien : pourtant, il s’est présenté plus d’une fois aux États-Unis.