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l’art de la même façon que le passé renferme l’avenir. Ce qui est, ce qui sera, ce qui doit être, tout cela est inséparable (Voy. p. 5).

Précisément en raison du peu d’importance qu’elle attache à la notion de loi naturelle, elle en attache une d’autant plus grande aux lois positives émanées du législateur, et y voit un des facteurs les plus efficaces de l’évolution sociale[1]. Elle est donc portée à étendre considérablement les attributions de l’État et ne partage nullement à cet égard les antipathies ou les défiances de l’école libérale.

Cette école a exercé une grande influence-dans ces derniers temps, non seulement sur les esprits, mais sur la législation. La plupart des lois promulguées depuis une vingtaine d’années, connues sous le nom de législation ouvrière, ainsi que le puissant mouvement en faveur de la réglementation internationale du travail, lui sont dus en grande partie. Elle a certainement rendu grand service à la science en élargissant le point de vue étroit, factice, d’une simplicité voulue et d’un optimisme irritant auquel l’école classique s’était toujours complue ; — elle l’a fait sortir de cette abstention systématique dans laquelle elle s’enfermait, et à cette question posée depuis si longtemps par la misère humaine : que faire ? elle a cherché une autre réponse qu’un stérile laisser-faire.

Elle a été utile aussi en démontrant que cette défiance extrême de l’État manifestée par l’école libérale, qui ne lui laisse guère d’autre rôle que de préparer son abdication progressive, ne paraît pas scientifiquement établie. L’histoire nous montre l’État comme un facteur très actif du progrès social (abolition de l’esclavage, du servage, des maîtrises, législation industrielle) et dont les attributions vont s’élargissant sans cesse. En effet, pour déterminer ces grandes modifications sociales

  1. « Les lois dont s’occupe l’économie politique ne sont pas des lois de la nature : ce sont celles qu’édicte le législateur. Les unes échappent à la volonté de l’homme, les autres en émanent ». De Laveleye, Éléments d’Économie politique, p. 17.