Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’expérience prouve que ces énergies ne sauraient prendre leur essor sous un régime de contrainte. Quant à penser, comme paraissent le croire certains socialistes, que l’initiative individuelle, l’esprit d’entreprise, pourra devenir moins nécessaire à mesure qu’on recourra à l’action des corps collectifs, État, communes, corporations puissamment organisés, — cette thèse non plus ne paraît pas fondée, car l’expérience de tous les jours nous apprend que les associations, grandes ou petites, ne valent rien de plus que ce que valent les individus qui les dirigent : par conséquent, tout système qui tendra à réduire les énergies individuelles n’aura pas chance d’obtenir grand chose de bon des collectivités, si ingénieusement d’ailleurs qu’elles puissent être organisées.

§ 3. — Socialisme d’État.

Cette doctrine ne se confond nullement avec la précédente. Au contraire elle se présente comme son antidote et est généralement aussi en faveur auprès des gouvernants que l’autre l’est auprès des révolutionnaires.

Elle se rattache étroitement par ses origines à l’école historique dont nous avons parlé dans le chapitre précédent. Celle-ci ne s’est distinguée d’abord de l’école classique que par la méthode, mais elle n’a pas tardé à s’en séparer par ses tendances et son programme. Elle a commencé par rejeter absolument le principe caractéristique de l’école libérale le « laisser-faire ». Elle assigne à la science un but pratique : elle considère comme surannée, du moins quand il s’agit des sciences sociales, la vieille distinction entre l’art et la science et revient par là à la conception des premiers économistes. Elle estime, en effet, que nous ne pouvons songer à modifier les institutions économiques que dans le sens que l’histoire nous indique, mais que dans ce sens-là nous pouvons et nous devons le faire[1], et que par conséquent la science renferme

  1. Par exemple tandis que l’école classique considère la propriété foncière, le salariat, comme des institutions définitives dues à des causes nécessaires et générales, l’école historique les considère comme de simples « catégories historiques », dues à des causes diverses, et qui ont affecté des formes très variables suivant les temps et suivant les pays.