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la demande ce qui revient à dire, si nous nous reportons aux explications données sur la valeur (p. 77), qu’ils se vendent plus ou moins suivant qu’ils répondent à des désirs plus ou moins intenses du public. Par conséquent c’est le public qui, par le prix qu’il attribue à nos produits ou à nos services, fixe lui-même la part qui nous revient, et c’est ce prix qu’il consent à nous payer qui — sous les noms divers de salaire, ou d’honoraire, ou de loyer, ou de prix de vente quelconque — constitue notre revenu.

Or n’est-il pas conforme à l’utilité sociale et même à la justice que les biens les plus désirés et les plus rares — c’est-à-dire qui répondent aux plus pressants besoins de la société et qui sont encore en quantité insuffisante pour y satisfaire — aient aussi le plus de valeur ? La loi de l’offre et de la demande qui règle cette valeur n’a-t-elle pas pour résultat d’attribuer à chacun l’équivalent du produit qu’il a créé ou des services qu’il a rendus, et cette équivalence n’est-elle pas mesurée de la façon la plus impartiale et la moins arbitraire par l’échange sur le marché, c’est-à-dire par de libres contrats ? Le public, en attribuant à mes produits un prix élevé ou aux vôtres au contraire un prix vil, ne mesure-t-il pas exactement par là le degré d’importance, le degré d’utilité sociale qu’il attribue à nos produits ou à nos travaux respectifs ? — Il n’est pas bon juge, dira-t-on peut-être. Et qui donc le sera mieux que le consommateur ?

Les économistes font remarquer de plus que la concurrence tend toujours à corriger les inégalités et les injustices qu’un pareil régime pourrait entraîner, car s’il arrive que mes produits ou mes services se trouvent cotés à un prix exagéré, immédiatement une foule de rivaux, désireux de profiter de cette bonne aubaine, se précipitera dans la même industrie ou la même carrière que moi et ne tardera pas, par la multiplication de l’offre de ces mêmes produits ou de ces mêmes services, à en ramener la valeur au niveau des frais de production, c’est-à-dire de la peine prise et des dépenses effectuées. Et cela n’est-il pas juste ?