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ture inutilement la nature pour lui demander ce qu’elle ne peut lui donner : l’homme de science ne lui demande que ce qu’il sait être possible. Mais la sphère de ce possible est infiniment plus vaste que ne le pense l’école classique.

§ 2. — École socialiste.

L’école socialiste est aussi ancienne que l’école classique : on peut même dire qu’elle l’est davantage, car il y a eu des socialistes longtemps avant qu’on connût une économie politique ; cependant, ce n’est qu’après que la science économique a pris un caractère scientifique que le socialisme s’est constitué par le fait même de son antagonisme avec elle. Les doctrines de cette école ayant surtout un caractère critique et étant assez divergentes, il est beaucoup plus difficile de les formuler que celles de l’école précédente. Voici cependant comment on peut les résumer[1].

Toutes les sectes socialistes ont ceci de commun qu’elles considèrent l’organisation des sociétés modernes comme entachées de certains vices incurables qui doivent entraîner leur fin dans un délai plus ou moins rapproché.

Elles voient la source de tous ces vices dans la concurrence et dans la propriété individuelle et s’efforcent de démontrer

  1. . Le socialisme, — en laissant de côté toute la lignée des précurseurs qu’on peut faire remonter jusqu’à Platon, — a eu comme principaux représentants dans ce siècle en France Saint-Simon (Système industriel, 1821), Fourier (Association domestique agricole, 1822), Proudhon (Qu’est-ce que la propriété, 1840) ; en Angleterre, Owen (son principal ouvrage New views of society est de 1812) ; en Allemagne, Karl Marx (Le Capital, vol. I, 1867, édition française), Lassalle (Bastiat et Schutze-Delitzsch, 1864, traduit en français) ; en Belgique, Colins (mort en 1839), de Paepe (mort en 1892). – Ce sont les socialistes allemands qui ont donné au socialisme contemporain, dit collectivisme, sa physionomie caractéristique. La forme dite anarchisme est due surtout aux socialistes russes Bakounine (mort en 1876) et Kropotkine (les ouvrages de tous les deux ont été publiés en français) – et pourtant l’anarchisme ne s’est guère propagé en fait que dans la race latine, France, Espagne, Italie. Le nihilisme russe quoiqu’on le confonde généralement avec l’anarchisme, n’a aucun rapport avec cette doctrine. Voir au livre III, De la répartition.