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velles qui vont naître aux bords du Yucon pourra s’estimer très heureux de trouver du papier sur ces places, alors même qu’il devrait le payer 10 ou 12 % au-dessus de sa valeur nominale, et réciproquement le créancier qui aurait à les toucher là-bas s’empresserait de les négocier même à 10 ou 12 % au-dessous du pair.

2o  Mais c’est surtout quand il s’agit d’un pays dont la monnaie est dépréciée que les variations du change peuvent être excessives et pour ainsi dire sans limites. Voici une lettre de change sur Pétersbourg de 100 roubles ; la valeur vraie, le pair serait de 400 francs, le rouble valant 4 francs. Cependant si nous consultons le cours du change, nous verrons le papier sur Pétersbourg coté 265 francs (novembre 1897), soit une énorme dépréciation de 35 %. La chose s’explique tout naturellement, car telle est précisément la dépréciation que subit la monnaie courante, le rouble-papier, en Russie, or, un titre payable en une monnaie dépréciée doit subir nécessairement une dépréciation égale à celle de cette monnaie.

Ce n’est pas seulement la monnaie de papier, mais la monnaie métallique qui peut être dépréciée et alors cette dépréciation exerce la même influence sur le change. Tel est le cas aujourd’hui pour la monnaie d’argent qui a perdu la moitié de sa valeur, aussi toutes les créances sur les pays à monnaie d’argent, tels que ceux de l’Orient et l’Asie, ont-elles perdu la moitié de leur valeur au change : et vice versa dans tous ces pays, les créances sur les pays à monnaie d’or, c’est-à-dire payables à Londres, Paris, Berlin, bénéficient d’une prime énorme. Il en résulte une très grande perturbation dans les relations commerciales[1].

  1. C’est ici surtout qu’on voit se manifester les effets du change sur les exportations et sur les importations dont nous avons parlé ci-dessus (p. 290). Le propriétaire indien qui vend son blé 10 schellings l’hectolitre à Londres peut vendre sa lettre de change sur Londres (payable en monnaie d’or) le double de sa valeur en monnaie d’argent indienne. À l’inverse, le fabricant anglais qui vend son drap ou sa cotonnade aux Indes est obligé de céder sa lettre de change sur Bombay ou Madras pour la moitié de sa valeur, parce qu’elle est payable en argent. Il est vrai qu’il ne tiendrait qu’à lui, sachant ce qui l’attend, de doubler son prix de vente, mais alors il risquera de perdre ses clients.