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III

SI LE CRÉDIT PEUT CRÉER DES CAPITAUX.


Le crédit a pris une telle importance dans nos sociétés modernes que l’on est tenté de lui attribuer des vertus miraculeuses. En parlant à chaque instant des grandes fortunes fondées sur le crédit, en constatant que les plus vastes entreprises de l’industrie moderne ont pour base le crédit, on se persuade invinciblement que le crédit est un agent de la production qui peut, tout aussi bien que la terre ou le travail, créer la richesse.

Il y a là une pure fantasmagorie. Le crédit n’est pas un agent de la production : il est, ce qui est fort différent, un mode spécial de production, tout comme l’échange, tout comme la division du travail. Il consiste, comme nous l’avons vu, à transférer une richesse, un capital d’une main dans une autre, mais transférer n’est pas créer. Le crédit ne crée pas plus les capitaux que l’échange ne crée les marchandises.

Ce qui favorise l’illusion, c’est l’existence des titres de crédit. Nous avons vu que tout capital prêté était représenté entre les mains du prêteur par un titre négociable et de même valeur. Dès lors il semble bien que le prêt ait cette vertu miraculeuse de faire deux capitaux d’un seul. L’ancien capital de 10.000 francs qui a été transféré entre vos mains et le nouveau capital qui se trouve représenté entre les miennes par un titre de 10.000 francs, cela ne fait-il pas deux ? — Au point de vue subjectif, ce papier est en effet un capital : il l’est pour moi, mais il ne l’est pas pour le pays. Il est clair, en effet, qu’il ne pourra être négocié qu’autant qu’une autre personne voudra bien me céder en échange le capital qu’elle possède sous forme de monnaie ou de marchandises. Ce titre n’est donc point un capital par lui-même, mais il me donne