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d’hui, d’après notre Code civil, la cession des créances exige des formalités assez compliquées, notamment la notification au débiteur.

Mais le droit commercial, qui, comme on l’a fait remarquer souvent, devance toujours le droit civil et marche en éclaireur, a réalisé dès le moyen-âge une double et admirable invention qui consiste justement à représenter le droit de créance par un titre, une lettre (lettre de change ou billet à ordre), et à rendre ce titre transmissible par une brève formule apposée au revers (endossement)[1].

L’endossement était déjà une merveilleuse simplification, mais pourtant c’est encore une formalité et non de peu d’importance puisqu’elle entraîne la responsabilité solidaire de tous ceux qui ont signé. On a fait un pas de plus en supprimant même la signature et en créant des titres de créance qui peuvent se transmettre simplement de la main à la main comme des pièces de monnaie (titres ou billets au porteur).

Cette fois le dernier terme est atteint. Et désormais des masses prodigieuses de richesses — non pas précisément fictives, mais futures, ce qui est bien différent — viennent s’ajouter à la masse des richesses existantes et vont circuler sous

  1. Les deux principales formes de titres de crédit sont les suivantes :
    1° La lettre de change. Paul, qui a vendu à Pierre, écrit ainsi « Montpellier, le 1er novembre 1897. ― À quatre-vingt-dix jours de date, veuillez payer à Jacques ou à son ordre, la somme de 1.000 francs, valeur reçue en marchandises ». Il ajoute en bas « À M. Pierre à Paris ». Il signe : « Paul », et il la remet à Jacques. ― Et quand Jacques voudra la transférer, il écrira derrière « Payez à l’ordre de Guillaume. ― Signé Jacques. » ― et ainsi de suite.
    2° Le billet à ordre. Pierre acheteur écrit ainsi « À quatre-vingt-dix jours de date, je paierai à Paul, ou à son ordre, la somme de 1.000 francs, valeur reçue en marchandises. Ce 1er novembre 1897. Signé : Pierre ».
    Le billet à ordre est donc simplement une promesse de payer faite par le débiteur à son créancier. La lettre de change est plus compliquée : c’est un ordre de payer adressé par le créancier à son débiteur, ordre de payer non point à lui-même créancier, mais à un tiers. C’est grâce à cette forme que la lettre de change est spécialement employée pour régler les opérations d’un lieu à un autre et d’un pays à un autre.