Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérables. Sans doute il compte sur une richesse équivalente qui viendra remplacer celle qu’il a prêtée, mais enfin elle n’existe pas encore ; elle devra être produite à cet effet et tout ce qui est futur est par là même incertain. Les législateurs se sont ingéniés à garantir le prêteur contre tout danger ― et les précautions qu’ils ont imaginées à cet effet constituent une des branches les plus considérables de la législation civile cautionnement, solidarité, hypothèques, etc. ; ― néanmoins il faut toujours de la part du prêteur une certaine confiance, un acte de foi, et voilà justement pourquoi on a réservé à cette forme particulière du prêt le nom de « crédit » qui suppose, en effet, par son origine étymologique, un acte de foi (creditum, credere, croire).

2° Quant à l’emprunteur, son obligation ne consiste pas, comme celle du fermier ou du locataire, à conserver la chose à lui prêtée et à l’entretenir en bon état pour la restituer au terme fixé il faut qu’après l’avoir utilisée, c’est-à-dire détruite, il travaille à en reconstituer une équivalente pour s’acquitter au jour de l’échéance. Il faut donc qu’il ait grand soin d’employer cette richesse d’une façon productive. S’il a le malheur de la consommer improductivement, pour des dépenses personnelles par exemple, ou même simplement s’il ne réussit pas, par une raison quelconque, à reproduire une richesse au moins équivalente à celle qui lui a été prêtée, c’est la ruine. Et de fait, l’histoire de tous les pays et de tous les temps est un véritable martyrologe des emprunteurs qui se sont trouvés ruinés par le crédit. Le crédit est donc un mode de production infiniment plus dangereux que ceux que nous avons vus jusqu’à présent et qui ne peut rendre des services que dans des sociétés très avancées.

    juridique on désigne sous le nom de prêt de consommation (mutuum) le prêt de choses fongibles, c’est-à-dire, de choses qui doivent se consommer nécessairement pour pouvoir être utilisées et dont l’argent est le type. ― Car s’il s’agit du prêt d’un objet certain que l’emprunteur devra rendre tel quel, prêt d’une maison où d’une terre (qui s’appelle bail à ferme ou à loyer), prêt d’un cheval ou d’un livre (qui s’appelle prêt à usage), en ce cas la définition que nous avons donnée ne s’applique plus : il n’y a plus d’échange, il y a location : mais aussi il n’y a plus de crédit.