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portation et lui est très supérieur, en théorie du moins, par les raisons suivantes :

1° Il peut être gradué à volonté, de façon à protéger les industriels qui ont le plus besoin de protection et non les autres.

2° Il n’apporte aucune entrave au commerce extérieur et permet le plein développement des importations et des exportations, puisqu’il ne relève pas le prix des produits.

3° Il ne gêne en rien la production, puisqu’il ne renchérit pas les matières premières et ne relève pas le coût de production. Au contraire, il peut être établi sous certaines conditions propres à stimuler les progrès de l’industrie protégée[1].

4° Enfin et surtout ce système ne prétend pas être autre chose que ce qu’il est, à savoir un sacrifice imposé au pays par une raison d’utilité publique. Il ne donne lieu à aucune équivoque ; le public sait qu’il paie cette protection et il sait exactement le prix dont la paie. Et c’est là justement ce qui fait la supériorité économique et morale de ce système.

Mais voilà précisément aussi pourquoi les protectionnistes le goûtent fort peu et n’en demandent que rarement l’application : on y verrait trop clair ! Et c’est là aussi ce qui fait qu’un semblable système ne sera jamais populaire. Il étale sous un jour trop cru les sacrifices qu’il demande à tous et les privilèges qu’il accorde à quelques-uns, et choque par là le sentiment d’égalité. Ajoutons qu’il exigerait un discernement et une impartialité qu’on ne peut guère attendre d’un gouvernement quelconque[2].

  1. C’est ainsi que les primes accordées par la loi de 1881 à la marine marchande sont plus ou moins importantes suivant que le navire est à voile ou à vapeur, en bois ou en fer, et suivant la vitesse. C’est ainsi encore que les primes accordées par la loi de 1891 aux filatures de soie sont en raison du degré de perfectionnement de leur outillage.
  2. Il est curieux de constater que presque tous les avantages du système des primes que nous venons d’énumérer avaient déjà été indiqués en 1791 par Hamilton dans son fameux « Rapport sur les manufactures » cité par Rabbeno, Protezionismo Americano, p. 168). Voy. aussi pour le système des primes, Henri George, Protection et Libre-Echange (1887), et en sens contraire, Cauwès, op. cit., t. II, p. 572, et Poinsard, op. cit., p. 441.
    Le système des primes est pratiqué en France pour la marine mar-