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protégée, et aux critiques que nous venons d’adresser au système des droits protecteurs, il faudra en ajouter une dernière et plus décisive encore : celle de ne servir à rien !


IV

DE LA PART DE VÉRITÉ CONTENUE DANS LA THÈSE PROTECTIONNISTE.


Nous ne voyons finalement dans le système protectionniste que deux arguments — suffisants, il est vrai, pour le justifier au moins à titre de mal nécessaire.

Le premier, c’est qu’un pays par cela seul qu’il a droit à la vie a le droit et le devoir de développer tous les organes de vie économique qui sont en lui, à l’état patent ou à l’état latent agriculture, industrie, commerce. Il ne doit pas évidemment violenter la nature pour produire du vin en Angleterre ou des oranges en France, mais il doit s’efforcer de tirer le parti le plus complet et le plus diversifié possible de son sol, de son climat, des caractères de sa population. Il ne doit pas se résigner à devenir un simple rouage d’un mécanisme universel, mais conserver et développer ses originalités et ses vertus natives[1]. Seulement reste à savoir si le libre-échange, par la rude discipline qu’il inflige à l’industrie et à l’agriculture, n’est pas mieux propre que le protectionnisme à développer dans un pays des ressources incon-

  1. Nous comprenons très bien, par exemple, que les colonies australiennes, qui approvisionnent de laine le monde entier, s’appliquent à la transformer elles-mêmes en drap, au lieu de l’envoyer en Angleterre pour se la faire réexpédier manufacturée. De même, si notre colonie d’Algérie transformait sur place son alfa en papier, au lieu de l’expédier brut en Angleterre, ou si notre colonie du Sénégal pouvait transformer ses arachides en huile, ce serait un grand gain non seulement pour elles, mais pour le monde entier, car il n’y a pas de travail plus stérile que celui qui consiste à transporter d’un bout du monde à l’autre un poids mort et des matériaux inutiles : c’est un vrai travail de Sisyphe, puisque tout transport et trafic inutile constitue une déperdition de travail.