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niste aussi marquée que dans la politique commerciale et encore à ce jour la grande majorité des économistes est restée fidèle aux doctrines classiques. Cependant, l’allemand List dans son Système National d’Économie politique (1841) et, plus tard, l’américain Carey dans ses Principes de science sociale (1860) avaient déjà fait brèche à la doctrine de Manchester à l’époque même où celle-ci était à l’apogée. La réaction violente qui s’est manifestée de nos jours contre l’école classique, bien qu’elle n’ait pas porté spécialement sur la question du protectionnisme, a cependant contribué à ébranler la foi dans les principes absolus, et ceux qui se rallient à l’école historique ou réaliste admettent que le régime commercial de chaque pays doit être approprié à sa situation particulière[1].



II

DE LA THÈSE PROTECTIONNISTE.


Il n’est pas de question en économie politique qui ait soulevé plus d’agitations, fait écrire plus de volumes et peut-être même fait tirer plus de coups de canons, que celle du commerce international.

Et pourquoi cela ? Le commerce de pays à pays n’est-il pas de tous points semblable au commerce de particulier à particulier ? N’est-il pas, tout comme celui-ci, une forme ordinaire et normale de l’échange, et, dès lors, à quoi bon une théorie spéciale pour le commerce international ? Si l’échange en lui-même est un bien, pourquoi deviendrait-il dangereux par le fait de cette circonstance toute extrinsèque que les deux coéchangistes se trouvent séparés par un poteau de frontière ?

  1. Voy. le Cours d’Économie politique de M. Cauwès (3e édit. 1893) et Libre-échange et Protection, par M. Poinsard.
    L’école catholique a pris une attitude résolument protectionniste, mais l’école socialiste se désintéresse de la question.