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tituer, au XVIe et au XVIIe siècles, la question changea de face, et cela par trois raisons :

1° Parce que ces grands États émirent la prétention de se constituer en marchés nationaux, de produire ce qui leur était nécessaire et de se suffire à eux-mêmes ;

2° Parce que la grande importance attribuée aux métaux précieux, à l’or et à l’argent, à la suite de la découverte de l’Amérique, accrédita l’idée qu’il fallait acheter le moins possible à l’étranger pour ne pas faire sortir de numéraire du royaume ;

3° Parce que l’ouverture des grandes routes maritimes du monde donna au commerce international un développement inconnu jusqu’alors. La concurrence internationale — dont il ne pouvait être question quand le commerce ne transportait guère que des objets de luxe, pourpre de Tyr, brocards de Venise, lames d’épée de Tolède, etc. — commença à se faire sentir du jour où ce commerce fut assez bien outillé pour transporter des articles de consommation courante, tels que les draps de Flandre.

Nous avons déjà dit un mot, dans l’histoire des doctrines économiques (p. 11), du mercantilisme qui apparut vers le XVIe siècle. Il est caractérisé par l’importance exagérée attribuée à la monnaie et au commerce extérieur en tant que moyen de se procurer la monnaie. Et cette préoccupation n’était pas aussi absurde qu’on l’a dit, car, à une époque où le commerce commençait, il fallait en effet un grand accroissement de numéraire pour lui permettre de se développer. Mais bientôt une autre préoccupation vint s’y joindre celle de mettre le pays en mesure de se suffire à lui-même, ce qui constitue véritablement l’idée protectionniste. Remarquez d’ailleurs qu’en cela on ne faisait que suivre l’évolution économique qui a toujours procédé par groupes autonomes de plus en plus élargis d’abord la famille, puis la cité, puis le marché national (Voy. ci-dessus : Historique de l’échange[1]), demain peut-être l’Europe.

  1. Voy. dans la Revue d’Économie politique (1894, p. 1) l’article sur L’évolution économique dans l’histoire, d’après Bücher.