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l’importation a pour but et pour résultat l’économie d’une certaine quantité de travail. Or, étant données nos sociétés fondées sur la division du travail, on ne saurait économiser une certaine quantité de travail sans rendre inutile une certaine catégorie de travailleurs. Le commerce avec la Chine est un avantage pour les consommateurs et pour la France en général, puisqu’il lui permet de se procurer des soies avec moins de dépenses et moins de travail : mais les agriculteurs et travailleurs des Cévennes qui vivaient de cette industrie, se trouvent en quelque sorte expropriés.

Il est bien vrai, comme nous l’avons expliqué déjà (pp. 290-291), que toute importation nouvelle tend à déterminer une contre-exportation correspondante et que les soies de Chine seront payées, par exemple, avec des articles de Paris qu’il faudra produire à cet effet. Mais il ne faut pas oublier que les soies importées de Chine représentent évidemment une valeur moindre que les soies françaises qu’elles ont remplacées dans la consommation sans cela, elles n’auraient pu se substituer à elles sur le marché. Elles représentent par exemple une valeur de 100 millions seulement, tandis, que la production séricicole française représentait une valeur de 120 millions. Donc pour faire face à cette importation par une contre-exportation équivalente, il suffira que l’industrie parisienne envoie à la Chine (ou ailleurs) pour 100 millions d’articles de Paris. Le résultat final sera donc bien une diminution de 20 millions pour la production indigène, représentant une diminution de travail correspondante.

N’y aurait-il d’ailleurs d’autre effet produit qu’un déplacement de travail — celui-ci saute aux yeux, — il n’en constituerait pas moins un préjudice grave pour certaines classes de la population. Il est clair que les fabricants de soie des Cévennes, ne pouvant pas convertir leurs Statures en fabriques d’articles de Paris, devront perdre les capitaux engagés dans leurs usines sous la forme de capitaux fixes ; et comme les fileuses qu’ils employaient ne peuvent pas non plus aller faire de la bimbeloterie pour les Chinois, il n’est pas sûr qu’elles trouvent un autre métier. C’est donc la ruine pour