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Quel est donc le mot de l’énigme ? ― Celui-ci tout simplement : pour savoir si le commerce extérieur d’un pays est en équilibre, ce n’est point uniquement la balance de ses exportations et de ses importations qu’il faut considérer, comme on le fait généralement dans le public, mais bien la balance de ses créances et de ses dettes. Or, la balance des comptes n’est pas la même que la balance du commerce : à vrai dire, les exportations constituent bien une créance sur l’étranger et même la principale, mais il peut en exister d’autres : les importations constituent bien aussi la principale dette vis-à-vis de l’étranger, mais elle n’est pas la seule.

Et quelles sont donc ces créances ou ces dettes internationales, distinctes des exportations et des importations, et que l’on a appelées très bien des exportations ou importations invisibles ?

Elles sont nombreuses, mais on peut en signaler trois principales :

1° Les frais de transport des marchandises exportées, c’est-à-dire le fret et l’assurance. — Si le pays qui exporte fait lui-même le transport de ses marchandises, ce qui n’est pas toujours le cas, il acquiert une créance sur l’étranger qui assurément ne figurera pas dans les exportations, puisqu’elle ne prend naissance qu’après que la marchandise est sortie du port et en route pour sa destination. Un pays comme l’Angleterre a de ce chef une créance énorme sur l’étranger : on l’évalue à plus de 1.200 millions par an ; non seulement en effet elle transporte la totalité de ses propres marchandises, mais encore elle transporte la plus grande partie des marchandises des autres pays et naturellement elle ne le fait pas gratis[1]. La France au contraire a, de ce chef, une dette. Elle

  1. Cette majoration, dont les frais de transport surchargent la valeur des marchandises, explique le fait suivant qui, au premier abord, paraît inexplicable. Si l’on fait le total des exportations et des importations de tous les pays du monde, on constate une supériorité considérable des importations sur les exportations : c’est ainsi que dans ces dernières années la valeur totale des importations du monde est évaluée à 43 ou 45 milliards, tandis que la valeur totale des exportations ne dépasserait pas 36 ou 39 milliards. Or, si au lieu de comparer les valeurs des mar-