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l’a fait remarquer, une pyramide grandissante qui repose sur la pointe ou, mieux encore, une toupie tournant rapidement sur une pointe de métal immobile et dont l’équilibre ne laisse pas que d’inspirer certaines craintes.

Et il n’est pas dit que même comme mesure des valeurs, les métaux précieux ne perdent un jour leur antique privilège. On peut très bien concevoir un état social dans lequel l’unité de valeur servant à régler les comptes serait purement nominale et ne correspondrait a aucune pièce existante dans la circulation. On peut même trouver dans l’histoire bien des monnaies de compte de ce genre, à commencer par le mark banco des banques du moyen-âge, la livre tournoi de l’ancien régime en France, ou même la guinée des Anglais encore aujourd’hui.

Et c’est seulement quand la monnaie sera devenue une pure abstraction que l’état social que nous avons indiqué dans le chapitre précédent — celui où tous les rapports économiques entre les hommes seront réglés par de simples écritures — pourra être pleinement réalisé[1].

  1. Cet état social éventuel a fait l’objet, sous le nom de Comptabilisme social, d’études intéressantes publiées par MM. Solvay, Hector Denis et de Greef, dans les Annales de Bruxelles de 1897 citées plus haut.
    Voy. aussi en faveur d’une monnaie de compte purement abstraite, Mongin, La monnaie et la mesure de la valeur, dans la « Revue d’économie politique » de février 1897, et en sens contraire, Bourguin, De la mesure de la valeur dans la même Revue, mai 1895.
    Il est à remarquer toutefois qu’avec une monnaie de compte dont la valeur serait supposée invariable, il faudrait renoncer aux effets bienfaisants de la dépréciation graduelle de la monnaie que nous avons signalés p. 103.