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leur crédit, et de régler pour eux toutes leurs dépenses qu’elle porte à leur débit[1]. Dans une semblable organisation, on pourrait supprimer la monnaie jusqu’au dernier centime. Toutes les fois que je ferais un achat, au lieu de payer mon fournisseur, je me bornerais à dire à la Banque de porter la somme due à mon débit et au crédit du marchand : celui-ci à son tour, toutes les fois qu’il aurait acheté des fournitures quelconques, ferait de même. Si, au lieu de solder des dépenses j’avais à faire un placement, on procéderait de la même façon : la Banque porterait à mon débit la somme représentant la valeur du titre acheté et une valeur égale au crédit de la Compagnie qui l’a émis ou du précédent titulaire qui me l’a vendu. À la fin de l’année, la Banque enverrait à chacun son compte. Il se solderait par une balance, soit en faveur de la Banque,

  1. La caisse d’Épargne postale d’Autriche remplit déjà, sur une petite échelle encore mais qui va rapidement grandissant, ce rôle de Banque de compensation. Les procédés ingénieux qu’elle emploie ont fait objet d’une étude démaillée de M. H. Denis dans les Annales de l’Institut des Sciences sociales de Bruxelles de 1896.
    Cet état de choses tend aussi à se réaliser par des procédés plus indirects en Angleterre.
    Voici comment les choses se passent en pratique. Chaque fois qu’un Anglais a un paiement à faire, à un fournisseur par exemple, il lui remet un chèque, c’est-à-dire une créance sur son banquier. Le fournisseur ne se donne pas la peine d’aller toucher le chèque, mais il le remet à son propre banquier. Il arrive donc que tous les banquiers ; en Angleterre, se trouvent réciproquement créanciers et débiteurs les uns des autres pour des sommes énormes. Leurs correspondants à Londres n’ont qu’à s’entendre et à balancer leurs comptes. C’est justement ce qu’ils font en se réunissant tous les jours dans le Clearing-House (chambre de liquidation) où se règle ainsi par de simples compensations un chiffre de transactions qui s’est élevé, pour ces dernières années à 500 millions fr. en moyenne par jour, soit plus de 160 milliards par an. Le Clearing de New-York liquide des sommes de créances encore plus colossales, environ 240 milliards de francs (c’est que les opérations de Bourse s’y trouvent comprises). Pour régler les différences sur ces énormes opérations, on n’a besoin de recourir à la monnaie métallique que dans des proportions infimes. (Voy. Lombard Street par Bagehot, traduit en français.) La Banque de France fait seulement pour 30 milliards de compensations par an. Le chèque est beaucoup moins répandu en France qu’en Angleterre.
    Lors du paiement de l’indemnité de guerre de la Chine au Japon, en 1896, un à-compte de 8.250.000 liv. sterling (206 millions fr.) a été payé par l’ambassadeur de Chine à l’ambassadeur du Japon en un simple chèque sur la Banque de Londres sans qu’un penny ait été déplacé.