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sité d’employer les métaux précieux et tous ces bras vont devenir disponibles pour une production nouvelle. La force productive de l’humanité en sera accrue d’autant.

En résumé, on voit que la réponse à la question qui fait le titre de ce chapitre est bien différente de celle qu’on donnait autrefois. Il ne faut plus dire que la monnaie de papier accroît la richesse d’un pays dans la mesure où elle augmente son stock monétaire, mais au contraire dans la mesure où elle permet de le diminuer.

Tel est l’avantage économique que peut procurer l’émission du papier-monnaie à un pays. Si l’on demande maintenant quel est l’avantage financier que l’émission du papier-monnaie peut procurer à un gouvernement, il est beaucoup plus facile à saisir. Quand un gouvernement se trouve à court d’argent, la création d’un papier-monnaie est pour lui un moyen très commode de payer ses fournisseurs, ses fonctionnaires, ses soldats ou ses rentiers, de pourvoir en un mot à toutes ses dépenses sans être obligé d’emprunter et par conséquent sans avoir besoin de payer d’intérêt. Quand un gouvernement est dans cette situation, il est probable qu’il ne jouit pas d’un crédit très élevé et que, s’il est forcé d’emprunter, le taux d’intérêt sera très onéreux. Voilà pourquoi le papier-monnaie peut lui procurer en ce cas une économie qui n’est pas à dédaigner. Beaucoup d’États y ont eu recours et en somme ne s’en sont pas mal trouvés, à la condition, bien entendu, de ne pas dépasser dans leurs émissions la limite que nous avons fixée et qui est représentée par la quantité de monnaie métallique en circulation[1]. Toute émission qui dé-

  1. Pendant la guerre franco-allemande, le gouvernement français eut besoin d’argent : il émit pour 1.500 millions de francs en billets. S’il les avait demandés à l’emprunt, il aurait dû payer 6 % environ, soit 90 millions par an. S’il avait voulu émettre directement ce papier-monnaie, il aurait pu ne rien débourser du tout, excepté les frais de fabrication. Mais il préféra, avec grande raison d’ailleurs, recourir à l’intermédiaire de la Banque de France, en lui payant un droit de commission de 1 %, ce qui ne lui coûta que 15 millions par an. Quant au pays, il ne lui restait qu’une quantité d’argent tout à fait insuffisante en circulation, soit que sa monnaie eût été exportée pour des achats d’armes à l’étranger, soit qu’elle eût servi au paiement de l’indemnité de guerre, soit plutôt