sissent l’or pour étalon, il est à craindre que le métal or, en devenant à la fois plus rare et plus demandé, n’augmente trop de valeur. Il ne faut pas oublier que la moitié environ de la production est absorbée par les emplois industriels.
Qu’importe, dira-t-on peut-être ? la seule conséquence c’est qu’avec une pièce de 20 fr. d’or on pourra se procurer deux, fois plus de marchandises qu’autrefois : où est le mal ? — Le mal est justement dans la baisse générale des prix que suppose une telle hypothèse et dans les conséquences nombreuses et fâcheuses qui tiennent à une augmentation de valeur de la monnaie et que nous avons déjà exposées (Comp. ci-dessus, p. 103). Déjà beaucoup d’économistes pensent que la dépression des prix dont se plaignent depuis vingt ans tous les producteurs n’a d’autre cause que « l’appréciation » de l’or, comme disent les Anglais, c’est-à-dire sa hausse de valeur provoquée par sa rareté, et ils en concluent que la généralisation du système mono-métalliste aggraverait singulièrement cette rareté et, par voie de conséquence, la crise elle-même[1].
Les agriculteurs, qui souffrent surtout de cette dépréciation des prix, sont très portés, en France et aux États-Unis, à l’attribuer à la rareté et au renchérissement de l’or et ils se flattent que le retour au bi-métallisme, c’est-à-dire la frappe libre et illimitée de l’argent, aurait pour résultat un relèvement des prix. C’est l’argument qui a été surtout mis en avant dans les dernières élections présidentielles aux États-Unis (1896) où la question bi-métalliste a servi de plate-forme aux deux candidats, MM. Mac-Kinley et Bryan[2].
- ↑ Les bi-métallistes prétendent même, ce qui paraît un peu paradoxal, que l’on a tort de dire que l’argent a baissé de valeur : qu’en réalité, il n’aurait baissé ni plus ni moins que les autres marchandises qui ont toutes baissé de valeur depuis vingt ans, de 30 % environ. Et si toutes ont baissé (argent compris) c’est uniquement une baisse factice due à la raréfaction de l’or — en sorte que finalement c’est l’or qui serait le seul coupable dans cette affaire tandis qu’on fait à tort de ce pauvre argent le bouc émissaire !
- ↑ En France les agriculteurs sont aussi très émus par la crainte que la dépréciation de l’argent ne confère aux pays qui n’emploient que cette monnaie, les Indes, par exemple, la Chine, les républiques de l’Améri-