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que pour la France l’opération se traduisait par une diminution de la monnaie d’or et une augmentation de la monnaie d’argent. Répétée indéfiniment, cette opération devait avoir pour résultat inévitable de substituer complètement dans la circulation la monnaie d’argent à la monnaie d’or.

Il fallut donc que les puissances qui avaient formé l’Union Latine (la Grèce depuis s’y était adjointe) se concertassent pour remédier à ce nouveau danger. De même qu’en 1865 elles avaient arrêté la fuite de la monnaie d’argent en affaiblissant son titre, de même elles auraient pu arrêter la fuite de la monnaie d’or en affaiblissant son titre ou en diminuant son poids. Mais ces refontes incessantes portant tantôt sur une monnaie, tantôt sur l’autre, auraient fini par désorganiser tout le système monétaire. On préféra recourir à un procédé plus simple. La convention du 5 novembre 1878 a suspendu la frappe de la monnaie d’argent[1]. Dès lors l’opération que nous venons de décrire est devenue impossible. Il n’y a plus de profit à acheter des lingots d’argent à l’étranger, puisqu’on ne peut plus les convertir en monnaie[2].

Aussi bien cette mesure réussit pleinement à conserver à la France son beau stock métallique or, qui n’avait pas encore été sensiblement entamé. Mais, comme on peut bien le penser, cette convention qui fermait au métal argent un marché de près de 80 millions d’hommes et restreignait d’autant ses débouchés, eut pour effet de précipiter encore la déprécia-

  1. Du moins pour la pièce de 5 fr. la seule monnaie d’argent ayant cours légal. Car pour les petites pièces d’argent, chaque État s’est réservé le droit d’en frapper une certaine quantité déterminée par le chiffre de sa population. C’est ainsi que depuis lors la France a fait frapper pour 12 millions fr. — mais comme c’est l’État qui garde le bénéfice de la frappe (qui dans ce cas ne s’est pas élevé à moins de 6.650.000 fr.) la spéculation n’a rien à y gagner. — Par une convention de 1897, ces États ont décidé de transformer une certaine quantité d’écus de 5 fr. en petites pièces.
  2. Toutefois tout danger n’est peut-être pas absolument conjuré, car il faut prévoir la possibilité d’une fabrication clandestine de monnaie d’argent — non de fausse monnaie, mais de bonne monnaie ayant le poids et le titre légal — laquelle fabrication procurerait tout de même au contrefacteur l’énorme bénéfice de 100 % que l’État réalise aujourd’hui sur la frappe. Et on prétend, sans que le fait ait pu être constaté, que cette opération illicite s’effectue en effet.