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nient pratique, plus que cela, un véritable péril, et voici lequel : la monnaie qui est la plus faible des deux expulsera peu à peu de la circulation la monnaie forte, en sorte que tout pays qui est soi-disant au régime du double étalon, se trouve en fait dans cette singulière situation qu’il ne conserve jamais dans sa circulation qu’une seule des deux monnaies et justement la plus mauvaise. Un mouvement de flux et de reflux périodique emporte le métal qui est en hausse et ramène le métal qui est en baisse.

C’est l’application pure et simple de la loi de Gresham que nous avons déjà étudiée, mais l’histoire de notre système monétaire depuis quarante ans en offre une merveilleuse démonstration.

Quand, sous le second Empire, l’or se trouva en baisse par suite des circonstances que nous avons indiquées dans le chapitre précédent, notre monnaie d’argent commença à disparaître et à être remplacée par la monnaie d’or, par ces beaux « napoléons », monnaie à laquelle on était encore peu habitué, que l’on admirait fort et dans laquelle les courtisans saluaient la richesse et l’éclat du nouveau règne, mais qui, en réalité, n’était si abondante que parce qu’elle était faite avec un métal déprécié. Et ce phénomène de la transmutation des métaux s’explique très aisément.

Le banquier de Londres qui voulait se procurer de l’argent pour l’envoyer aux Indes, cherchait naturellement à l’acheter là où il pouvait le trouver à meilleur compte. À Londres, avec 1 kil. or, il n’aurait guère pu se procurer que 15 kil. argent. Mais en envoyant son kil. or à la Monnaie de Paris, il pouvait faire frapper 3.100 francs or, et échanger ensuite ces 3.100 fr. or contre 3.100 francs d’argent qui pèsent tout juste 3.100 x 5 gr. = 15 kil. 1/2. Avec son kil. or, il avait donc réussi en définitive à se procurer 15 1/2 kil. argent[1].

  1. L’opération pouvait se faire encore d’une façon inverse. Un banquier de Paris réunissait 3.000 pièces de 1 franc argent qui pèsent tout juste 15 kil. (3.000x0,005=15). Il envoyait ces 15 kil. argent à Londres et obtenait en échange 1 kil. or, puisque telle était la valeur marchande de ces deux métaux. Il se faisait renvoyer de Londres son kil. or, et le