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chacun achèterait des lingots d’or et les porterait à l’Hôtel des Monnaies pour les faire transformer en monnaie, jusqu’à ce que la raréfaction du métal or et l’augmentation de l’or monnayé eussent rétabli l’égalité entre les deux valeurs. La bonne monnaie doit pouvoir être fondue sans rien perdre de sa valeur[1]. C’est ici l’application d’un axiome économique, à savoir que toutes les fois que deux objets peuvent se transformer à volonté l’un dans l’autre, ils ont nécessairement une valeur égale.

Il existe cependant, par tout pays, certaines catégories de pièces qui ne satisfont pas à la condition précédente, c’est-à-dire qui n’ont qu’une valeur intrinsèque plus ou moins inférieure à leur valeur légale on les appelle monnaies de billon. Ce sont en général des pièces de peu de valeur, le plus souvent de cuivre, quelquefois aussi d’argent, dont on n’a pas l’habitude de se servir pour des paiements importants mais seulement comme appoint. Dans ces conditions, le législateur peut sans inconvénient se départir de la rigueur des principes. Mais en abandonnant le principe de-l’équivalence des deux valeurs, il doit sacrifier du même coup les caractères de la bonne monnaie, c’est-à-dire : 1° Il refuse à la monnaie de billon le caractère de monnaie légale : personne ne sera tenu de la recevoir dans les paiements[2] ; 2° il suspend pour la monnaie de billon la liberté de monnayage, sans quoi tout le monde ferait frapper du métal en monnaie de billon pour gagner la différence entre sa valeur métallique et sa valeur légale. C’est le gouvernement seul qui se réserve le droit d’en émettre telle quantité qu’il jugera utile aux besoins et il doit se faire une règle de ne jamais en émettre en proportion exagérée.

  1. C’est pour cela que les Anglais disent dans une formule pittoresque que la bonne monnaie se reconnaît « à l’épreuve du feu. » — en souvenir de l’épreuve du feu qui au moyen âge était employée pour reconnaître le bon droit.
  2. Ainsi en France personne n’est forcé de recevoir les pièces de cuivre pour une somme supérieure à 5 fr. (ni même, comme nous le verrons, les petites pièces d’argent pour une somme supérieure à 50 francs).