Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gomme, poudre d’or, arachides, etc. Chaque marchandise nouvelle qui apparaît sur le marché constitue un placement, ou, comme ou dit dans cette théorie, un débouché pour sa propre marchandise : plus il y en a, mieux cela vaut. Et même si notre marchand a cette malechance d’avoir apporté trop de fusils, eh bien ! ce qui peut lui arriver de plus heureux c’est que d’autres aussi aient apporté sur ce même marché trop d’autres marchandises : alors les fusils même ne se trouveront plus en excès relativement aux autres produits ; car, comme le dit très bien J.-B. Say : « ce qui peut le mieux favoriser le débit d’une marchandise, c’est la production d’une autre ».

Les choses ne se passent pas autrement sous le régime de la vente et de l’achat. Chacun de nous a d’autant plus de chance de trouver le placement de ses produits ou de ses services que les autres ont plus de ressources, et ils auront d’autant plus de ressources qu’ils auront produit davantage. Ce qu’on peut donc souhaiter de plus heureux à un producteur qui a trop produit d’un article quelconque, c’est que les autres producteurs aient trop produit aussi de leur côté ; la surabondance des uns corrigera la surabondance des autres. L’Angleterre a-t-elle produit trop de cotonnades ? si elle a la bonne fortune que l’Inde ait produit trop de blé, elle y écoulera bien plus facilement ses cotonnades. Ainsi encore voilà l’industrie qui, grâce au prodigieux accroissement de sa puissance mécanique, jette sur le marché une quantité énorme de marchandises. Il en résulte un general glut. Pourquoi ? Parce que la production agricole n’a pas marché du même pas ses produits ne se sont accrus que dans une faible mesure leur valeur, respectivement à la valeur des produits manufacturés, s’est élevée les consommateurs, obligés de dépenser beaucoup pour se procurer les objets d’alimentation, n’ont plus assez de ressources pour acheter beaucoup de produits manufacturés. Mais supposez que la production agricole vienne à marcher du même pas que la production mécanique et l’équilibre va se rétablir. Le consommateur, dépensant moins pour se nourrir, absorbera sans peine l’excès des produits manufacturés.