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imaginer qu’une vente ou un achat sont des opérations indépendantes et qui se suffisent à elles-mêmes. C’est une illusion. Tout achat suppose une vente préalable, car avant de pouvoir échanger son argent contre des marchandises, il faut au préalable avoir échangé ses marchandises contre de l’argent. À l’inverse toute vente présuppose un achat pour l’avenir, car si on échange ses marchandises contre de l’argent, ce n’est que pour échanger plus tard cet argent contre d’autres marchandises sinon, qu’en ferait-on ? Toutefois comme l’argent peut se conserver indéfiniment sans être employé, il est possible qu’il s’écoule un entr’acte très long, plusieurs années, peut-être même plusieurs générations entre les deux actes de la pièce, entre la vente et l’achat complémentaire. Mais la pensée doit rapprocher ces deux actes et en réalité, malgré l’intervention de la marchandise tierce et la complication qu’elle introduit, tout homme, dans nos sociétés civilisées aussi bien que dans les sociétés primitives, vit encore en échangeant ses produits ou ses services, présents ou passés, contre d’autres produits ou d’autres services, présents ou passés.


VII

LA LOI DES DÉBOUCHÉS.

La prépondérance qu’a prise l’échange dans les relations sociales a fait naître naturellement l’idée qu’il ne fallait pas trop produire. La crainte d’un excès de production, d’un encombrement général (general glut) est un cauchemar qui hante les cervelles de tous les gens d’affaire. Il est facile de comprendre ce sentiment. Tout producteur, constatant à première vue que ses produits se vendent d’autant mieux qu’ils sont plus rares sur le marché, en conclut naturellement que la rareté est un bien et l’abondance un mal.

Les économistes se sont appliqués à démontrer depuis longtemps que la multiplication des produits était un bien