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dont j’ai besoin, je n’aurai qu’à offrir à son possesseur cette même quantité d’argent et qu’il l’acceptera par la même raison qui me l’a fait accepter à moi-même.

Il est clair, d’après ce que nous venons de dire, que toute opération de troc va se trouver décomposée en deux opérations distinctes. Au lieu d’échanger ma marchandise A contre votre marchandise B, j’échange ma marchandise A contre de l’argent, pour échanger ensuite cet argent contre la marchandise B. La première opération porte le nom de vente et la deuxième d’achat (du moins quand la marchandise tierce se présente sous la forme de monnaie proprement dite). Il semble donc qu’il y ait là une complication plutôt qu’une simplification. Mais le chemin le plus court n’est pas toujours la ligne droite, et ce détour ingénieux supprime au contraire une quantité incalculable de peine et de travail. Ce qui rendait en effet le troc impraticable, c’est que, comme nous l’avons dit, un producteur quelconque, Primus, devait rencontrer comme co-échangiste une autre personne, Secundus, qui fût disposée tout à la fois : 1° à acquérir la chose dont Primus voulait se défaire ; 2° à lui céder précisément la chose que Primus voulait acquérir. Dorénavant le producteur Primus aura bien à se préoccuper de trouver preneur pour sa marchandise, mais il n’aura plus besoin de demander à ce preneur la marchandise dont il a besoin lui-même. C’est à une autre personne, dans un antre moment, dans un autre lieu, qu’il s’adressera pour cela. C’est l’indivisibilité de ces deux opérations qui les rendait très difficiles : une fois rompu le nœud qui les unissait, chacune d’elles séparément devient assez simple. Il ne sera pas très difficile de trouver quelqu’un qui ait besoin de votre marchandise, c’est-à-dire un acheteur. Il ne sera pas très difficile non plus de trouver quelqu’un d’autre qui soit disposé à vous céder la marchandise dont vous avez besoin, c’est-à-dire un vendeur.

Mais il ne faut pas oublier que, quoique désormais séparées, ces deux opérations continuent pourtant à former un tout et que l’une ne saurait se concevoir sans l’autre. Nous sommes trop disposés, dans la vie de tous les jours, à nous