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pas s’effrayer de ces apparentes rétrogradations qui paraissent être bien plutôt la marche normale de l’évolution et dont on pourrait citer nombre d’autres exemples. Certaines fonctions sociales, comme certaines institutions ou certains instruments, ont leur temps marqué et n’ont qu’à disparaître une fois leur tâche remplie. La disparition éventuelle des marchands pourrait constituer un progrès non seulement au point de vue purement économique, mais même au point de vue moral si elle avait pour résultat de faire disparaître ce qu’on appelle « l’esprit mercantile » c’est-à-dire ce désir du profit que surexcite au plus haut degré une profession consacrée uniquement à acheter pour revendre[1].


V

LES MOYENS DE TRANSPORT.

L’échange peut très bien se concevoir sans aucun déplacement de la matière, par exemple quand il s’applique aux choses immobilières ou encore quand il s’agit de simple spéculation sur les marchandises. Néanmoins le déplacement peut être considéré comme un caractère essentiel de cette forme particulière de l’échange à laquelle la pratique et le langage juridique réservent le nom de commerce. Or l’opération du déplacement, c’est-à-dire le transport, nécessite beaucoup de travail et par suite beaucoup de frais[2]. Toute invention qui aura pour résultat de faciliter les moyens de transport facilitera par là même l’échange, et il en résulte que l’his-

  1. C’est en ce sens, et par esprit d’antagonisme contre les villes marchandes de Tyr et de Sidon, que les prophètes d’Israël disaient « Il n’y aura plus de marchands dans la Maison de l’Éternel » (Zacharie, xiv, 20). Mais c’est le cas de dire qu’ils n’ont pas été prophètes dans leur pays !
  2. Le transport des marchandises s’élève pour la France (et ce n’est pas le pays où le chiffre est le plus élevé) à 22 milliards de tonnes kilométriques par an, ce qui revient à dire que pour satisfaire aux besoins de chaque personne en France, il faut transporter chaque jour en moyenne 16 1/2 kilogr. de marchandises à 100 kilomètres.