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Toutefois il faut reconnaître que l’association entre propriétaires, dès qu’il s’agit, non plus simplement de faire quelques affaires en commun, mais d’exploiter en commun, présente des difficultés sérieuses. En effet, une semblable association ne peut se former utilement qu’entre propriétés contiguës ; or le voisinage entre propriétaires est en général mieux fait pour provoquer les procès que pour faciliter l’association. « Qui terre a, guerre a », dit un vieux dicton[1].

Mais entre artisans peut-être sera-t-elle plus facile. L’association coopérative sous les différentes formes de société de production, de société pour l’achat des matières premières ou la vente des produits fabriqués, de société de crédit mutuel, pourra leur permettre de résister victorieusement à la grande industrie.

D’ailleurs sans spéculer sur l’avenir, et à nous en tenir au présent, nous voyons bien que l’évolution vers la grande production ne marche point du même pas dans tous les domaines. Très avancée dans l’industrie des transports, un peu moins dans l’industrie commerciale, elle l’est encore moins dans l’industrie manufacturière, et dans l’industrie agricole surtout on peut dire qu’elle ne se manifeste nullement

On ne voit point en France ni même en Europe, quoiqu’on

    breux journaux, par la propagation des procédés nouveaux, et par des champs d’expérimentation. Ils ont abordé la vente en commun de certaines denrées (vins, légumes, primeurs, etc.), et ont même tenté la production en commun de certains produits (beurre, fromage, distilleries ; Ils s’occupent de l’élevage en bétail en achetant des reproducteurs de race pure. Ils vont essayer de créer des banques de crédit mutuel, et une loi récente a été promulguée pour leur en faciliter l’exécution. Ils constituent de puissantes Unions ou Fédérations, qui embrassent toute une région agricole. Le développement rapide de ces associations en France a fait naître de très hautes ambitions et quelques-uns y voient le commencement d’une véritable révolution sociale conservatrice et pacifique qui barrerait la route à la révolution collectiviste (Voy. Les syndicats agricoles, par M. de Rocquigny).

  1. Cependant les associations de propriétaires viticulteurs des bords du Rhin ont déjà réalisé le problème, sinon de cultiver en commun, du moins de faire leur vin en commun, en apportant leurs raisins dans la même cuve. Autant en font, de temps immémorial, les associations du Jura, dites fruitières, et d’autres pays de montagne, qui portent leur lait dans le même chalet pour le transformer en fromages.