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L’association est devenue peu à peu semi-coercitive avec le servage : elle a pris pendant le Moyen âge des formes riches et complexes que nous ne pouvons étudier ici, et finalement elle est devenue patronale. Nous voyons dans toutes nos sociétés modernes la production organisée sous la forme d’entreprises (c’est le terme technique dans le vocabulaire de l’économie politique), c’est-à-dire de groupes plus ou moins considérables d’individus dans lesquels l’un, le patron, fournit le capital, les instruments, la terre, et les autres, les salariés, la force de travail.

Cette forme n’est-elle pas enfin l’association libre et ne constitue-t-elle pas le terme définitif, sauf perfectionnement de détails, de l’évolution sociale ? C’est ce qu’affirme l’école classique. Il est vrai que cette forme nouvelle d’association est fondée sur un contrat : les ouvriers qui travaillent à l’usine sont des hommes libres, libres d’y entrer ou d’en sortir à leur gré et ils ne s’en privent pas. Mais pourtant il est clair qu’il n’y a ici qu’une forme encore très imparfaite de l’association libre et la meilleure preuve c’est que ni le langage juridique ni le langage vulgaire n’emploient jamais dans ce cas le mot « d’association » et que peut-être même il a déjà étonné le lecteur. Les soi-disant associés, les ouvriers d’une part, les patrons de l’autre, sont en effet dans des conditions d’inégalité permanente. Il n’y a ici qu’une association de fait, non de droit, une association dans la production, non dans la répartition. Les ouvriers n’ont pas le moins du monde le sentiment d’être associés au patron, — et c’est justement, comme nous le verrons plus tard, le principal vice du salariat (Voir plus loin, Du salariat).

Nous avons donc le droit et le devoir d’espérer que l’association patronale fera place à son tour à l’association intégrale, c’est-à-dire libre, complète, embrassant la répartition aussi bien que la production et dans laquelle chacun aura la claire conscience qu’il fait partie d’une œuvre collective et la ferme volonté d’y coopérer. — C’est pour cela que les entreprises où l’on met en pratique la participation aux bénéfices, et mieux encore les associations coopératives de production,