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a voulu marquer le caractère nouveau de cette science, qui est de s’occuper des intérêts publics et non des intérêts privés, idée qui coïncidait avec l’avènement des grands États modernes. Aujourd’hui que ce caractère n’est plus discuté, il vaudrait mieux l’appeler l’Économie ou l’Économique, nom qui aurait l’avantage de cadrer avec la terminologie ordinaire des sciences.

Bon nombre de ces questions que nous appelons aujourd’hui questions économiques, ont attiré de tout temps l’attention des hommes, telles que l’argent, le commerce et les moyens d’enrichir tes particuliers et l’État. Les Pères de l’Église avaient condamné le luxe, l’inégalité des richesses, le prêt à intérêt. Les anciens eux-mêmes, Aristote entr’autres, avaient très bien analysé la nature de la monnaie, la division des métiers, les formes d’acquisition de la propriété.

Mais on n’avait pas vu le lien qui unissait ces différentes questions et on n’avait pas songé à en faire l’objet d’une science d’ensemble. C’était plutôt l’occasion de sages conseils donnés soit aux souverains, soit aux particuliers.

La découverte de l’Amérique provoqua pour la première fois, dans le cours du XVIIe siècle et surtout du XVIIIe siècle, la formation d’une véritable théorie économique, d’un système, c’est-à-dire que ces conseils prirent la forme d’un ensemble de préceptes coordonnés et raisonnés. Les pays comme la France, l’Italie et l’Angleterre, qui voyaient d’un œil d’envie l’Espagne tirer des trésors de ses mines du Nouveau-Monde, se demandèrent par quels moyens ils pourraient se procurer aussi l’or et l’argent. C’est précisément le titre que porte le livre d’un Italien, Antonio Serra, publié avant celui de Montchrétien, en 1613 : Des causes qui peuvent faire abonder l’or et l’argent dans les royaumes dépourvus de mines. Et ils crurent trouver ce moyen dans la vente à l’étranger, c’est-à-dire dans l’exportation des produits manufacturés tendant à développer le commerce extérieur et les manufactures, et élaborèrent à cet effet tout un système compliqué et vexatoire de règlements. C’est ce qu’on a appelé le système mercantile.

Au milieu du XVIIIe siècle, nous voyons se produire en