Il peut même arriver, quoique ceci paraisse très paradoxal, que cette crise par insuffisance de production produise indirectement les mêmes effets que la crise par excès de production, à savoir un engorgement général sur le marché et une dépréciation des marchandises ! Il suffit de remarquer que l’insuffisance dans la récolte du blé, par exemple, entraîne une hausse dans le prix du blé ; que par suite tous les consommateurs de blé dont les ressources sont limitées, c’est-à-dire l’immense majorité des hommes, sont obligés de restreindre leurs dépenses sur tous les autres articles de leurs budgets ; que dès lors une masse d’objets n’étant plus demandée ne pourra plus s’écouler ou ne le pourra qu’avec perte. C’est ainsi que les disettes dans l’Inde se répercutent généralement par une crise pour les manufactures anglaises.
2° Engorgement ou disette de capitaux.
Les capitaux aussi sont une sorte de marchandises pour lesquelles une production exagérée peut présenter certains dangers. Sans doute on ne saurait avoir trop de capitaux, de même qu’on ne saurait avoir trop de marchandises mais de même qu’à un moment donné on peut avoir trop de marchandises pour pouvoir les consommer, de même aussi, à un moment donné, on peut avoir trop de capitaux pour pouvoir les employer utilement. Dans un pays déjà vieux où l’épargne toujours active fait la boule de neige, et qui, à raison même de ce fait qu’il a été déjà exploité depuis de longs siècles, ne peut plus ouvrir aux épargnes nouvelles un champ indéfini, les capitaux finissent par s’accumuler en grandes masses. Naturellement, par suite de l’abondance des capitaux, l’intérêt baisse[1] ; on s’ingénie alors pour trouver des place
- ↑ Il y a toutefois cette différence entre les marchandises et les capitaux que tandis que tandis que l’encombrement déprécie les marchandises et ruine les producteurs, au contraire l’encombrement des capitaux fait hausser la valeur des capitaux et enrichit momentanément les capitalistes. Il est facile de s’expliquer ce résultat, singulier au premier abord. La baisse du taux de l’intérêt change le taux de capitalisation pour l’avenir, mais les capitaux déjà placés en profitent nécessairement. Supposons que le taux de l’intérêt soit aujourd’hui à 5 % ; un titre de rente qui rapporte 50 fr. vaut donc 1.000 fr. Suppo-