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Sans doute ces prévisions sont souvent démenties par les événements[1]. Mais si nos prévisions en fait d’économie politique sont toujours incertaines et à courte vue, la raison ne doit point en être cherchée dans le jeu du libre-arbitre, mais simplement dans notre ignorance des causes, comme pour la météorologie par exemple. Tout homme qui réfléchit est bien assuré que le vent, la pluie, la grêle ou les orages ne sont pas le résultat du hasard ni bien moins encore de la volonté humaine : il ne met pas en doute qu’ils ne soient régis par des lois naturelles. Cependant les prévisions en ce domaine ne sont nullement plus exactes que dans le domaine économique : il est peut-être plus facile de prédire l’arrivée d’une crise commerciale que celle d’un cyclone, et le transit du chemin de fer de Lyon à Marseille varie moins assurément que le débit du Rhône dont il suit la rive, quoique celui-là soit alimenté par les hommes et celui-ci par le ciel.


IV

HISTOIRE DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE

C’est en 1615 que l’Économie politique a reçu pour la première fois le nom sous lequel elle est aujourd’hui connue, dans un livre français, le Traicté de l’Œconomie politique par Antoine de Montchrétien.

Le mot Économie était cependant déjà usité et même un des livres de Xénophon porte ce titre mais les anciens entendaient par là l’économie domestique (οἰκος, maison, νομὸς, règle, loi). En ajoutant le qualificatif politique, Montchrétien

  1. On donne comme argument contre l’existence de lois naturelles en matière sociale, ce fait que beaucoup de choses tournent autrement qu’elles n’avaient été prévues. Sans doute cela prouve simplement notre ignorance. Mais pensez plutôt combien de fois les choses tournent autrement qu’elles n’avaient été… voulues par leurs auteurs ! Cela ne prouve-t-il pas que dans ce monde il y a à l’œuvre des causes plus fortes que la volonté des hommes ?