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Il va sans dire aussi qu’on trouve encore des manufactures, mais c’est surtout la manufacture, « à domicile qui a survécu et, chose curieuse, qui tend à reprendre même une nouvelle vie. Dans les grandes villes telles que Londres, certaines grandes industries, notamment celle des tailleurs, s’exécutent presqu’exclusivement sous cette forme. Il est probable que cette curieuse reviviscence a pour cause l’intervention toute récente du législateur dans l’organisation du travail. Comme les nouvelles réglementations législatives ne s’appliquent qu’aux fabriques, beaucoup d’industriels trouvent plus commode de leur échapper en faisant travailler à domicile[1].

On serait tenté de croire que c’est là un bien et que l’ouvrier doit être plus heureux et plus libre en travaillant chez lui, à ses heures, en famille, que dans une caserne industrielle. L’expérience cependant prouve qu’il n’en est pas ainsi et que c’est au contraire par ce mode de production que s’accomplit la pire exploitation, celle qu’on désigne par le terme devenu classique de sweating-system (le système sudorifique). Il suffit de réfléchir à ceci que dans cette forme d’organisation industrielle, non seulement l’ouvrier est privé, comme nous venons de le dire, de la protection des lois sur les heures de travail, sur l’emploi des femmes et des enfants, sur les mesures d’hygiène, etc. mais encore qu’il est livré sans défenses aux intermédiaires qui s’interposent entre lui et le grand fabricant et sucent le peu de bénéfice qu’il pourrait tirer de son travail et enfin qu’il est beaucoup plus exposé au chômage et aux mortes saisons, car le propriétaire d’une fabrique ne peut sans grand dommage fermer

    conomie politique de 1893-1894, et celui de M. Schwiedland, Essai sur la fabrique collective (même Revue, 1893, p. 877). qui montre comment et dans quelles conditions, l’usine tend à revenir à la forme de manufacture à domicile.

  1. On cherche cependant à faire rentrer cette forme d’industrie sous le régime des lois protectrices du travail. Voy. les nombreux rapports présentés à ce sujet au Congrès de Bruxelles de septembre 1897, et notamment celui de M. Schwiedland dans la Revue d’Economie politique de 1897.