Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant si longtemps a soulevé contre elle l’irritation des classes ouvrières, Elle exige quelques explications.


VII

SI LES MACHINES PORTENT PRÉJUDICE À LA CLASSE OUVRIÈRE.

Les économistes classiques préoccupés de prouver qu’il ne saurait exister dans notre organisation économique de contradiction entre l’intérêt social et les intérêts individuels, se sont évertués à démontrer que les machines font beaucoup plus de bien que de mal à la classe ouvrière.

Voici les trois arguments classiques :

1o Abaissement des prix. — Toute invention mécanique, dit-on, a pour résultat un abaissement dans le coût de production du produit et par conséquent dans sa valeur. L’ouvrier bénéficie donc, en tant que consommateur, de la baisse des prix dont il souffre en tant que producteur.

À cela on peut répondre d’abord qu’il n’obtient aucune compensation si le produit en question ne rentre pas dans sa consommation, ce qui est fort possible. La fabrication de certaines dentelles à la mécanique a pu en abaisser le prix, mais comme la pauvre femme qui les faisait n’a pas l’habitude de s’en parer, cela ne la dédommage en aucune façon.

En admettant même que le produit en question rentre dans la consommation du travailleur, il n’y entrera sans doute que pour une part infime et la compensation sera dérisoire. L’ouvrière qui tricotait des bas et qui, par suite de l’invention d’une machine à tricoter, perd son salaire, né s’en consolera pas aisément par la perspective d’acheter désormais ses bas à bon compte chez le marchand.

Pour que la compensation dont on parle fût réelle, il faudrait que le progrès mécanique se produisît à la fois dans toutes les branches de la production, de telle façon que la baisse des prix qui en est la conséquence fût générale et simultanée. En ce cas, en effet, on pourrait dire qu’il importe