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des seuls cours d’eau de la France, qui se dépense inutilement à user des galets, représentait quelque chose comme 30 millions de chevaux-vapeur, c’est-à-dire une force au moins égale à celle de tous les hommes en âge de travailler que compte à cette heure l’espèce humaine. Une seule chute, comme celle du Niagara, suffirait à toutes les fabriques de l’Angleterre. Un cyclone, dans les quelques heures de son existence dévastatrice, développe assez de force motrice pour faire marcher toutes les usines du monde pendant dix ans, si l’on savait s’en servir ; et les vagues que le vent soulève sur la surface des mers, ou le flot de la marée qui deux fois par jour vient ébranler des milliers de lieues de côtes constituent des réservoirs de force véritablement inépuisables. Malheureusement ces forces qui soulèveraient le monde sont encore à l’état sauvage, trop capricieuses, trop intermittentes.

La force expansive des gaz — ou plutôt la chaleur développée par la combustion du charbon et dont cette force n’est que la transformation — est artificielle, en ce sens que ce n’est pas la nature qui l’a créée, c’est l’homme. Elle présente cet avantage inappréciable que l’homme peut la développer où il veut, quand il veut, comme veut. Elle est mobile, portative, continue, elle peut se développer à 1, 2, 3, 4…, 10 atmosphères, et sans qu’il y ait, théoriquement du moins, de limite assignable[1].

Le préhistorique inventeur, dont le nom restera à jamais inconnu, mais que la reconnaissance des peuples a divinisé sous le nom de Prométhée, et qui, le premier, fit jaillir l’étincelle du choc de deux cailloux, ne se doutait guère, en contemplant cette flamme, créée par le hasard sans doute plus que par son génie, de quelle merveilleuse puissance il dotait l’industrie humaine. Ce fut sans doute aux plus humbles usages de la vie domestique que le feu servit d’abord. Plus tard, on l’employa à des usages industriels, tels que

  1. Il suffirait de chauffer l’eau à 516°, ce qui n’est pas une température bien élevée, pour développer une pression de 1.700.000 atmosphères, plus que suffisante pour soulever l’Himalaya ! La seule difficulté serait de trouver une enveloppe qui pût résister.