Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toriques. Cette dépréciation est même énorme. La valeur de l’argent était environ neuf fois plus grande du temps de Charlemagne qu’aujourd’hui : elle était encore six fois plus grande à la veille de la découverte de l’Amérique ; elle était deux fois plus grande à l’époque de la Révolution française[1]. La prévision que cette courbe descendante doit continuer indéfiniment parait donc très légitime. D’ailleurs l’industrie humaine devient chaque jour plus ingénieuse pour découvrir les cachettes où la nature a enfoui ses trésors et plus habile pour les exploiter économiquement. L’argent ni même l’or ne sont pas si rares qu’on le croit : il y en a partout[2] ― en quantité infinitésimale, il est vrai, mais les perfectionnements de l’art métallurgique abaissent progressivement la limite au-dessous de laquelle le traitement du minerai cesse d’être rémunérateur. Il est donc vraisemblable que les métaux précieux deviendront de plus en plus abondants et par suite de plus en plus dépréciés.

On pourrait répliquer que la demande de ces mêmes métaux, par suite de l’accroissement de la population et du développement des échanges, suffira à contrebalancer l’offre croissante, mais il faut penser que cette cause est à son tour plus que contrebalancée par le perfectionnement des moyens de crédit et la rapidité des communications. Nous verrons que dans les

  1. Comp. Leber, Appréciation de la fortune privée au Moyen âge, et d’Avenel, Histoire des prix. La baisse du reste n’a pas été régulière, et souvent la valeur de la monnaie a remonté. Voici les maxima et les minima de la courbe historique d’après M. d’Avenel :
    850… 9
    1375… 3
    1500… 6
    1600… 2 1/2
    1750… 3
    1890… 1
    Le fait le plus saillant mis en relief par ces chiffres est la chute énorme de la valeur du numéraire au cours du XVIe siècle, conséquence de la découverte de l’Amérique.
  2. Il est démontré que l’intérieur du globe terrestre est composé de matériaux beaucoup plus lourds que sa surface, donc probablement de métaux. Et comme l’or est un des plus lourds métaux connus, peut-être la terre a-t-elle un noyau d’or massif !