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IV

SI LE NUMÉRAIRE OCCUPE UN RANG HORS PAIR PARMI LES RICHESSES ?

Si l’on consulte l’opinion courante, la réponse a cette question ne sera pas douteuse. De tout temps, en tout lieu, sauf chez les sauvages, le numéraire a tenu une place hors rang dans les préoccupations et dans les désirs des hommes. Ils l’ont considéré, sinon comme la seule richesse, du moins comme la plus importante de beaucoup, et à vrai dire, ils semblent n’estimer toute autre richesse qu’en raison de la quantité de numéraire qu’elle représente et qu’elle permet d’acquérir. Être riche c’est avoir, soit de l’argent, soit les moyens de s’en procurer.

Il serait curieux de suivre à travers l’histoire les manifestations diverses de cette idée qui confond l’or avec la richesse, — dans les tentatives des alchimistes du Moyen âge pour changer en or les métaux et réaliser ainsi ce qu’ils appelaient « le Grand Œuvre » entendant par là bien moins une découverte chimique qu’une révolution économique ; — dans l’enthousiasme qui saisit le vieux monde à l’arrivée des premiers galions d’Amérique et lui persuada qu’il allait trouver dans ce pays d’Eldorado la fin de toutes les misères ; — dans les efforts des gouvernements pour établir ce système ingénieux, dit « mercantile », qui devait avoir pour résultat de faire affluer le numéraire dans les pays qui n’en possédaient pas et de l’empêcher de sortir de ceux qui en étaient pourvus ; — et à cette heure encore dans les préoccupations avec lesquelles homme d’État et financiers surveillent de l’œil les entrées et sorties du numéraire, causées par les variations des exportations et des importations.

Mais si on s’adresse aux économistes, la réponse sera bien différente. On peut dire que c’est par une protestation contre