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constate que tous les prix sans exception ont augmenté de 50 % : nous pourrons affirmer en pareille hypothèse que la valeur de la monnaie a en réalité baissé de 33 %. Puisque désormais toute chose qui coûtait 2 francs en coûte 3, c’est que 3 francs n’en valent pas plus que 2, et, par conséquent, que le numéraire a perdu 1/3 de sa valeur.

Et quelle est la raison qui nous autorise à formuler une telle conclusion ?

La voici. C’est qu’un phénomène tel qu’une hausse générale et uniforme des prix ne comporte que deux explications possibles : ou bien il faut admettre que les faits sont ce qu’ils paraissent être, c’est-à-dire que toutes les marchandises ont subi un mouvement de hausse général et identique ; ou bien il faut admettre que la valeur d’une seule chose, la monnaie, a subi un mouvement de baisse, rien n’ayant changé d’ailleurs dans la valeur des autres marchandises. Entre ces deux explications, laquelle choisir ? Le bon sens ne permet pas d’hésiter un instant. Autant la seconde est simple et claire, autant la première est invraisemblable par le prodigieux concours de circonstances qu’elle suppose. Comment en effet imaginer une cause ayant la vertu d’agir simultanément et également sur la valeur des objets les plus dissemblables au point de vue de leur utilité, de leur quantité, de leur mode de production ? une cause capable de faire monter à la fois et dans une proportion identique, la soie et la houille, le blé et le diamant, les dentelles et les vins, la terre et la main-d’œuvre et tous autres objets qui n’ont aucune solidarité entre eux ? Préférer cette seconde explication serait tout juste aussi irrationnel que de préférer, pour expliquer le mouvement des astres, le système de Ptolémée à celui de Copernic. Ce mouvement, lui aussi, peut s’expliquer de deux façons, soit par le déplacement de la voûte céleste tout entière d’Orient en Occident, soit tout simplement par le déplacement de notre terre en sens inverse. Or, même à défaut de toute preuve directe, il ne serait pas permis d’hésiter entre les deux explications : comment imaginer en effet que des astres aussi divers par leur nature et aussi prodigieusement distants les uns