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plent sa surface — voilà autant d’objets de sciences distinctes qui s’appellent les sciences physiques et naturelles.

Mais dans ce vaste monde, il y a d’autres objets bien dignes de notre étude, ce sont les hommes eux-mêmes vivant en société : ils ne sauraient vivre autrement. Les rapports qu’ils soutiennent entre eux et les phénomènes dont ces sociétés sont le théâtre, forment l’objet d’un autre groupe de sciences qui s’appellent les sciences sociales[1].

Autant de relations différentes les hommes peuvent avoir entre eux — rapports moraux, juridiques, économiques, politiques, religieux, et relations de langage qui servent de véhicule à toutes les autres, autant de sciences distinctes qui s’appelleront la morale, le droit, l’économie politique, la politique, la science des religions ou des langues[2].

Il est vrai que les lignes de démarcation entre les sciences sociales qui ont toutes, en somme, un même objet, l’homme social, ne sauraient être aussi précises que celles que l’on peut tracer entre des sciences dont les objets sont dissemblables, telles que la géologie, la botanique, la zoologie. Cette classification sera toujours plus ou moins artificielle, et plutôt faite pour faciliter l’étude et subvenir à la faible portée de notre entendement qu’imposée par une division naturelle.

  1. On les appelait autrefois sciences morales et politiques, et c’est le nom que porte encore la section de l’Institut de France qui leur est spécialement bien affectée.
    Dans notre enseignement universitaire, ces sciences se trouvent partagées d’une façon très préjudiciable pour elles, entre deux Facultés, celle de Droit et celle des Lettres.
    Auguste Comte considérait comme vaine et irrationnelle toute séparation des sciences qui ont pour objet les sociétés humaines : il n’admettait qu’une science unique embrassant tous les aspects de ces sociétés et à laquelle il a donné le nom devenu classique de sociologie, et condamnait notamment toute prétention de constituer l’économie politique somme science distincte. Toutefois, cette opinion n’a point prévalu, et aujourd’hui ceux-là même qui étudient la sociologie considérée comme étude générale des sociétés, ne refusent pas aux sciences sociales déjà nommées le droit de se constituer à l’état de disciplines distinctes.
  2. Nous ne faisons pas figurer dans cette énumération l’histoire, parce que l’histoire n’est pas une science distincte par son objet. Toute science sociale — et même toute science naturelle — a son histoire qui est l’étude des faits particuliers dont elle s’occupe, considérés au point de vue de leur succession dans le temps.