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pages arrachées au grand livre sacré qui s’effeuille.

Vers le ciel monte une vapeur, larmes, nuages qui retombent en larmes et qui remonteront en nuées : le temps est né.

Et l’Homme épouvanté, androgyne qui se dédouble, a pleuré d’angoisse et d’horreur, sentant, avec un sexe neuf, sourdre en lui l’inquiet désir pour cette moitié de lui presque pareille, cette femme tout à coup surgie, là, qu’il embrasse, dont il voudrait se ressaisir, – cette femme qui dans l’aveugle effort de recréer à travers soi l’être parfait et d’arrêter là cette engeance, fera s’agiter en son sein l’inconnu d’une race nouvelle, et bientôt poussera dans le temps un autre être, incomplet encore et qui ne se suffira pas.

Triste race qui te disperseras sur cette terre de crépuscule et de prières ! le souvenir du Paradis perdu viendra désoler tes extases, du Paradis que tu rechercheras partout – dont viendront