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Une branche de laurier-rose vibrera dans le matin frissonnant.

Biskra — au soir.

Dans cet arbre il y avait des oiseaux qui chantaient. Ils chantaient, ah ! plus fort qu’oiseaux, eussé-je cru, pussent chanter. Il semblait que l’arbre même criât — qu’il criât de toutes ses feuilles, — car on ne voyait pas les oiseaux. — Je pensais : il vont en mourir ; c’est une passion trop forte ; mais qu’est-ce qu’ils ont donc ce soir ? — Est-ce donc qu’ils ne savent point qu’après la nuit un nouveau matin va renaître ? Ont-ils peur de dormir toujours ? Veulent-ils s’épuiser d’amour en un soir ? comme si dans une nuit infinie il fallait après qu’ils demeurent. Courte nuit de la fin du printemps ! — ah ! joie que l’aube d’été les réveille, et tellement qu’ils ne se souviendront de leur sommeil que juste assez pour, le soir suivant, avoir un peu moins peur d’en mourir.

Biskra — la nuit.

Buissons silencieux ; mais le désert autour vibre du chant d’amour des sauterelles.