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Sauterelles, pour nous nourrir nous avons dû tout dévaster.

Algues, nous ont ballotées les orages ;

Flocons, nous avons été roulés par les vents.

Ô ! pour un immense repos, je souhaite la mort salutaire ; et qu’enfin mon désir exténué ne puisse plus fournir à de nouvelles métempsychoses. Désir ! je t’ai traîné sur les routes ; je t’ai désolé dans les champs ; je t’ai soûlé dans dans les grand’villes ; je t’ai soûlé sans te désaltérer ; — je t’ai baigné dans les nuits pleines de lune ; je t’ai promené partout ; — je t’ai bercé sur les vagues ; j’ai voulu t’endormir sur les flots Désir ! Désir ! que te ferai-je ? que veux-tu donc ? — Est-ce que tu ne te lasseras pas ?

La lune parut entre les branches des chênes — monotone mais belle autant que les autres fois. Par groupes, à présent ils causaient et je n’entendais que des phrases éparses… il me sembla que chacun parlait à tous les autres de l’amour et sans s’inquiéter qu’il n’était d’aucun autre écouté.

Puis les conversations se défirent, et comme la lune disparaissait derrière les branches plus épaisses des chênes, ils restèrent couchés les uns près des autres, dans les feuilles, écoutant sans plus les comprendre les parleurs ou les parleuses