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quelque recette, ou plutôt, pensent que la réussite du maître va les dispenser d’un effort et que puisque le maître trouve, il n’importe plus de chercher ; ce n’est pas précisément qu’ils l’imitent, ils s’en défendent bien du moins, mais ils suivent sa direction ; c’est un remous puissant qui les entraîne en son sillage ; et bien mieux, le maître s’étant tu avant eux, ils espèrent le dépasser, aller plus loin que lui, prenant pour de l’audace leur folie, et le grand empêchement où ils restent d’essayer d’un autre côté. C’est par eux que la forme d’un maître devient formule, aucune intérieure nécessité ne la motivant plus. C’est par eux, c’est sur eux que la nuit se fait sans qu’ils s’en doutent, car leurs yeux, éblouis par le soleil couché, voient encore l’astre au lieu du couchant obscurci — quand déjà derrière eux, à l’autre pôle de l’art, un soleil rajeuni, radieux, se relève.


La vérité (c’est-à-dire la ressource) se trouve toujours en deçà, jamais au delà du génie.

Ce territoire qu’en allant toucher ses frontières, le génie laisse derrière lui, cette contrée, d’où chacun doit partir, quelle est-elle ? — quel est le lieu commun des chefs-d’œuvre ? la chose toujours disponible ?