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— Oh ! les affaires de cœur, c’est ce que je connais au monde de plus ennuyeux !

— J’aime aussi beaucoup quand il parle d’histoire naturelle.

— L’histoire naturelle, c’est encore plus ennuyeux que les affaires de cœur. Alors il vous a fait un cours ?

— Si je pouvais vous redire ce qu’il m’a dit… C’est passionnant, mon cher. Il m’a raconté des tas de choses sur les animaux de la mer. Moi j’ai toujours été curieuse de tout ce qui vit dans la mer. Vous savez que maintenant ils construisent des bateaux, en Amérique, avec des vitres sur le côté, pour voir tout autour, au fond de l’océan. Il paraît que c’est merveilleux. On voit du corail vivant, des… des… comment appelez-vous cela ? — des madrépores, des éponges, des algues, des bancs de poissons. Vincent dit qu’il y a des espèces de poissons qui crèvent quand l’eau devient plus salée, ou moins, et qu’il y en a d’autres au contraire qui supportent des degrés de salaison variée, et qui se tiennent au bord des courants, là où l’eau devient moins salée, pour manger les premiers quand ils faiblissent. Vous devriez lui demander de vous raconter… Je vous assure que c’est très curieux. Quand il en parle, il devient extraordinaire. Vous ne le reconnaîtriez plus… Mais vous ne savez pas le faire parler… C’est comme quand il raconte son histoire avec Laura Douviers… Oui, c’est le nom de cette femme… Vous savez comment il l’a connue ?

— Il vous l’a dit ?

— À moi l’on dit tout. Vous le savez bien, homme