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— Écoute. Qu’est-ce que tu fais demain ?

Le lendemain, jeudi, les lycéens sont libres. Bernard songe à retrouver peut-être son ami. Il a l’intention de ne plus retourner au lycée ; il prétend se passer des derniers cours et préparer son examen tout seul.

— Demain, dit Olivier, je vais à onze heures et demie à la gare Saint-Lazare, pour l’arrivée du train de Dieppe, à la rencontre de mon oncle Édouard qui revient d’Angleterre. L’après-midi, à trois heures, j’irai retrouver Dhurmer au Louvre. Le reste du temps il faut que je travaille.

— Ton oncle Édouard ?

— Oui, c’est un demi-frère de maman. Il est absent depuis six mois, et je ne le connais qu’à peine ; mais je l’aime beaucoup. Il ne sait pas que je vais à sa rencontre et j’ai peur de ne pas le reconnaître. Il ne ressemble pas du tout au reste de ma famille ; c’est quelqu’un de très bien.

— Qu’est-ce qu’il fait ?

— Il écrit. J’ai lu presque tous ses livres ; mais voici longtemps qu’il n’a plus rien publié.

— Des romans ?

— Oui ; des espèces de romans.

— Pourquoi est-ce que tu ne m’en as jamais parlé ?

— Parce que tu aurais voulu les lire ; et si tu ne les avais pas aimés…

— Eh bien ! achève.

— Eh bien, ça m’aurait fait de la peine. Voilà.

— Qu’est-ce qui te fait dire qu’il est très bien ?