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— C’était couru, dit-il.

Après quoi l’on décida de procéder à une répétition. Mais comme on courait le risque d’être surpris, il fut convenu qu’on ne se servirait pas tout de suite du pistolet. Ce n’est qu’au dernier moment, et quand on jouerait « pour de vrai », qu’on le sortirait de sa boîte. Rien ne devait donner l’éveil.

On se contenta donc, ce jour-là, de convenir de l’heure et du lieu, lequel fut marqué d’un rond de craie sur le plancher. C’était, dans la salle d’études, cette encoignure que formait, à droite de la chaire, une porte condamnée qui ouvrait autrefois sous la voûte d’entrée. Quant à l’heure, ce serait celle de l’étude. Cela devait se passer sous les yeux de tous les élèves ; ça leur en boucherait un coin.

On répéta, tandis que la salle était vide, les trois conjurés seuls témoins. Mais, somme toute, cette répétition ne rimait pas à grand’chose. Simplement, on put constater que, de la place qu’occupait Boris à celle désignée par la craie, il y avait juste douze pas.

— Si tu n’as pas le trac, tu n’en feras pas un de plus, dit Georges.

— Je n’aurai pas le trac, dit Boris, que ce doute persistant insultait. La fermeté de ce petit commençait à impressionner les trois autres. Phiphi estimait qu’on aurait dû s’en tenir là. Mais Ghéridanisol se montrait résolu à pousser la plaisanterie jusqu’au bout.

— Eh bien ! à demain, dit-il, avec un bizarre sourire d’un coin de la lèvre seulement.